Der besondere Buchtipp: „L’Histoire de l’Histoire“ von Ida Hattemer-Higgins

"L’Histoire de l’Histoire" von Ida Hattemer-Higgins in der Französischen Buchhandlung Lafayette Livres Ida Hattemer-Higgins : L’Histoire de l’Histoire, Flammarion, 24.55 €

 

Attention, Achtung ! Ovni littéraire, histoire complexe, brillante, fantasque. Magaret se réveille un matin dans la forêt de Grunewald en ayant perdu le souvenir des mois précédents. Commencent ainsi la plongée dans la folie de cette jeune historienne américaine débarquée à Berlin pour des raisons un peu floues quelques années auparavant et exerçant le métier de guide touristique pour subvenir à ses besoins. Il me faut remonter au „maître et Marguerite“ pour retrouver un roman qui m’ait autant marquée par sa puissance imaginative, ses visions folles et jubilatoires. Ida Hattemer-Higgins nous écrit bien l’histoire d’une histoire où tout se double ou se dédouble au gré des pages et des perspectives. Un premier roman sublime !

Les premières lignes : « Les océans montèrent et les nuages balayèrent le ciel. La marée des peuples reflua d’amours en trahisons, de gratte-ciel en ruines, s’engouffrant dans des murs percés de brèches, à travers des enfants resurgis, et bientôt ce fut l’an 2002. À l’aube d’un jour de septembre de cette année, dans une forêt des environs de Berlin, une jeune femme s’éveilla d’un bref sommeil sans savoir où elle se trouvait. Plusieurs mois de son existence s’étaient effacés de sa mémoire. Elle était aussi fraîche qu’un nouveau-né. Elle se redressa. Ses cheveux étaient longs, sa tenue masculine : un pantalon raide, un chapeau mou, un large pardessus de laine. Cependant elle portait des bottes à talons hauts. Sous son menton s’étendait le corps d’une femme de harem, souple et opulent, épanoui dans la certitude de sa force, de sa jeunesse, de sa bonne santé insolente. Son visage en revanche était celui d’un mandarin, accablé en permanence de sensibilité et d’épuisement nerveux. On voit parfois ce genre de femmes sur les cartes postales obscènes de la Belle Époque. Alors même qu’elles offrent leur corps avec désinvolture, leur visage est marqué par la tension pathétique de l’intelligence. Leur sourire concupiscent, fragile et las, leur donne une grâce mutine. En somme, Margaret avait l’air mûre pour les ennuis, où d’ailleurs elle était déjà plongée. La nuit était en suspens. Margaret regarda à la ronde et vit les bouleaux. Elle tendit la main vers son sac, un porte-documents en cuir gisant près de l’arbre contre lequel elle était assise. Ce mouvement lui fit mal et elle s’aperçut que ses deux mains étaient endolories. Elle ne savait pas pourquoi. »